Dans leur récent rapport intitulé « Alimenter le changement ou le statu quo ? », les organisations non gouvernementales Amnesty International et Initiative pour la bonne gouvernance et les droits humains (IBGDH), ont révélé l’expulsion forcée des populations et d’autres graves atteintes aux droits humains suite l’expansion des mines industrielles cobalto-cuprifere.
Selon ce document consulté ce mardi 12 septembre par MINES.CD, des faits graves tels que des agressions sexuelles, incendies volontaires et violences, ainsi que des expulsions forcées ont été enregistrées lorsque différentes entreprises minières ont cherché à agrandir leurs mines industrielles de cuivre et de cobalt détruisent des vies.
« La population de la République démocratique du Congo a subi une exploitation considérable et des graves atteintes aux droits humains pendant la période coloniale et postcoloniale, et ses droits continuent d’être sacrifiés alors que les richesses qui l’entourent lui sont confisquées », a expliqué Amnesty International dans son rapport.
Le coordinateur de l’IBGDH, Donat Kambola, a confié pour sa part que: « des personnes sont expulsées de force ou victimes de menaces et d’actes d’intimidation » pour les forcer à quitter leur domicile, ou encore poussées par la tromperie à accepter des accords d’indemnisation « dérisoires » et bien souvent, il n’existe « aucun » mécanisme de plainte, d’obligation de rendre des comptes ou d’accès à la justice.
« C’est la société et le gouvernement qui sont venus nous dire qu’il y a des minerais ici », fait observer la même source.
Dans son rapport, Amnesty International a clairement expliqué que la réouverture il y a 8 ans de la mine de cuivre et de cobalt à ciel ouvert – un projet géré par la Compagnie Minière de Musonoie Global SAS (COMMUS), une filiale commune de l’entreprise chinoise Zijin Mining Group Ltd. et la Générale des carrières et des mines SA (Gécamines) – a favorisé la destruction de plusieurs quartiers situés dans la ville de Kolwezi, au Lualaba.
Les statistiques démographiques de cette zone révèlent qu’au moins 39 000 personnes vivent dans le quartier concerné de la cité Gécamines. Les logements, généralement composés de plusieurs pièces, sont installés dans des enceintes délimitées par des clôtures et disposent de l’eau courante et de l’électricité. Il y a des écoles et des hôpitaux à proximité, a renchéri Amnesty International.
« Nous, on n’a pas demandé à être délocalisés, c’est la société et le gouvernement qui sont venus nous dire : Il y a des minerais ici », a expliqué l’une des victimes, Edmond Musans, 62 ans, qui a perdu sa maison après une série de démolitions.
Cécile Isaka, également victime, a révélé que les explosions pour l’agrandissement de la mine avaient créé des « fissures si importantes dans sa maison qu’elle avait peur qu’elle s’écroule ». Sans autre solution, elle a accepté l’offre d’indemnisation et a démoli sa maison endommagée en 2022 afin de pouvoir réutiliser les briques pour en reconstruire une autre ailleurs.
Les mêmes faits signalés à Mukumbi
Aux alentours du site minier de Mutoshi – sous gestion de Chemical of Africa SA (Chemaf), filiale de Chemaf Resources Ltd – les habitants interrogés par Amnesty International ont expliqué que « des militaires avaient brûlé » une agglomération informelle nommée Mukumbi.
À en croire cette organisation internationale, Ernest Miji, chef de Mukumbi, a expliqué qu’en 2015, après que Chemaf a obtenu le bail de la concession, trois personnes se disant représentants de l’entreprise lui ont rendu visite avec deux policiers pour l’informer qu’il était temps pour les habitants de Mukumbi de déménager. Il a indiqué que « les représentants de l’entreprise étaient venus quatre autres fois.»
« Le représentant de Chemaf nous a dit : Maintenant, vous devez quitter le village. Nous lui avons demandé : Où irions-nous ? C’est ici (…) que nous élevons nos enfants, nous cultivons et scolarisons nos enfants. On n’avait rien pour survivre. On a passé des nuits et des nuits dans la brousse (…) On n’avait rien pour survivre. On a passé des nuits et des nuits dans la brousse », a affirmé Kanini Maska, 57 ans, une autre ancienne habitante de cette agglomération.
Les personnes interrogées ont déclaré que « des militaires de la Garde républicaine, une unité militaire d’élite, étaient arrivés un matin et avaient commencé à brûler des logements et à frapper les villageoiss qui essayaient de les en empêcher », a souligné le même document.
Dans la suite des faits, ce n’est qu’après plusieurs manifestations, que Chemaf avait finalement accepté, en 2019, de verser 1,5 million de dollars américains par l’intermédiaire des autorités locales, « mais certaines personnes n’ont reçu que 300 dollars américains ». L’entreprise continue d’ailleurs jusqu’à ce jour, de nier « toute faute, responsabilité ou implication » dans la destruction de Mukumbi et affirme ne pas avoir « ordonné aux militaires de la détruire ».
Les autorités congolaises interpelées
Selon Amnesty International et l’Initiative pour la bonne gouvernance et les droits humains, leur rapport ne fait qu’exhorter les autorités congolaises à mettre fin « immédiatement » aux expulsions forcées, à créer une commission d’enquête impartiale et à renforcer et faire appliquer les lois nationales relatives aux activités minières et aux expulsions conformément aux normes internationales relatives aux droits humains.
« Les autorités ont activement participé à des expulsions forcées ou les ont facilitées et ont manqué à leur obligation de protéger les droits humains, y compris ceux prévus par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme », ont-ils dénoncé.
Pour rappel, depuis la reprise des activités minières, des centaines d’habitants ont « reçu l’ordre de partir ou ont déjà dû partir ». Aux dires de ces deux organisations précitées, des habitants n’ont pas été consultés comme il se doit et les projets d’élargissement de la mine n’ont pas été rendus publics.
A Kolwezi par exemple, les personnes expulsées ont déclaré que l’indemnisation accordée par COMMUS ne leur « permettait pas » d’acheter un logement équivalent. En conséquence, de nombreuses personnes ont dû déménager vers des logements sans eau courante et sans source d’électricité fiable, en banlieue de la ville, et ont vu leur niveau de vie se « dégrader considérablement ».