Moins d’un mois après le tollé suscité par la publication des informations relatives aux accords signés entre la société émiratie, Primera Gold, et la RDC — dont des droits exclusifs d’exporter de l’or artisanal à des taux préférentiels pendant 25 ans — un nouveau rapport des experts des Nations unies révèle qu’il y a risque que cette joint-venture serve de canal officiel de blanchiment de l’or illégal.
Fin décembre 2022, le chef du gouvernement congolais, Jean-Michel Sama Lukonde, présidait à Kinshasa, la cérémonie officielle de signature du contrat de partenariat entre la RDC et les Emirats Arabes Unis. Ce partenariat avait principalement pour objectif de stopper la contrebande dans le secteur minier congolais.
Aboutissant à la création de deux entreprises dont Primera Gold DRC pour le secteur de l’or artisanal et Primera Metals DRC pour le secteur artisanal des 3T (Étain, Tungstène, Tantale), ce partenariat se devait aussi être un moyen de nettoyer le secteur minier artisanal congolais où la contrebande a considérablement entraîné la perte de millions de dollars américains de recettes fiscales chaque année et aidé à financer des groupes armés qui continuent de semer la terreur dans la partie Est du pays, réputée pour son immense richesse minière.
Cependant, le rapport du groupe d’experts des Nations Unies, datant du 13 juin dernier, a affirmé que bien qu’en l’espace de trois mois, Primera Gold a exporté 10 fois plus d’or que la quantité officiellement exportée par le gouvernement congolais en 2022, mais également malgré le fait que la société a mis en place des mécanismes de conformité pour répondre aux exigences nationales, régionales et internationales en matière d’approvisionnement responsable ; plusieurs défis, dont particulièrement le risque que Primera Gold devienne un canal de blanchiment d’or illégal, ont été répertoriés.
Le groupe d’experts des Nations unies a rencontré les responsables de Primera Gold pour parler des politiques mises en place par la société pour déterminer l’origine précise de l’or acheté et exporté, et a par la suite envoyé des lettres à ce sujet à Primera Gold et à AuricHub, la raffinerie basée à Abu Dhabi, capitale émiratie, qui raffine l’or exporté par Primera Gold.
« Il [ndlr. groupe d’experts] a confirmé que la politique de diligence raisonnable de Primera Gold DRC couvrait les éléments requis par les instruments nationaux et internationaux. Toutefois, il a fait remarquer que dans la pratique, l’application devrait faire l’objet d’un suivi, car c’est là qu’il peut y avoir des problèmes », a indiqué le rapport des experts des Nations Unies consulté par MINES.CD.
Primera Gold s’est appuyé sur la traçabilité effectuée par le service d’assistance et d’encadrement de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle, qui « ne surveille qu’un nombre limité » de sites d’extraction de l’or.
« Il est donc fort possible que la chaîne d’approvisionnement de Primera Gold DRC contienne de l’or produit à partir de sites qui restent sous le contrôle de groupes armés, y compris dans le territoire de Fizi », a expliqué la même source.
Selon les informations rapportées par le susdit rapport, les preuves recueillies indiquaient déjà que plusieurs fournisseurs de Primera Gold, s’approvisionnaient sur des sites illégaux dans les territoires de Fizi et de Shabunda, situés dans la province du Sud-Kivu.
Toutefois, le groupe d’experts onusiens n’a pas pu confirmer si de l’or provenant de sites illégaux a été vendu à Primera Gold DRC et « entend collaborer avec la société pour poursuivre l’enquête sur cette affaire ».
En outre, le groupe d’experts des Nations unies a conclu que bien n’ayant pas de preuves indéniables d’activités illégales menées par AuricHub en RDC, il note que « la raffinerie n’a pas encore fait l’objet d’un audit » des Émirats arabes unis ou d’un audit d’approvisionnement responsable reconnu à l’échelle internationale.
Monge Junior Diama