Une délégation de la multinationale informatique et micro-informatique américaine Microsoft, a visité en décembre dernier, une mine artisanale de cobalt en République démocratique du Congo. Cette visite s’est inscrite dans le cadre d’une tentative de relance de la formalisation de l’industrie de cette matière première qui est actuellement peu réglementée sur le territoire national, alors qu’elle est importante pour répondre à la demande mondiale de matériel de batterie.
Lors de la toute première visite d’un haut cadre de cette entreprise américaine sur le sol congolais, Michele Burlington, chef de cabinet pour la technologie et la responsabilité de Microsoft avait effectué une rencontre avec des mineurs à la mine à ciel ouvert de cuivre de Mutoshi située dans l’ex-province du Katanga. Cette rencontre avait entre autres abouti à la mise en place d’un programme de formalisation, clôturée il y a 3 ans.
Un rapport indépendant publié le mercredi 08 février dernier, par Geneva Center for Business and Human Rights, au sujet de la récente visite de la délégation de Microsoft en République démocratique du Congo, a indiqué que les entreprises qui utilisent le cobalt dans les produits, des voitures électriques aux smartphones, « devraient s’efforcer d’améliorer les conditions dans les mines artisanales au lieu de chercher à couper le cobalt artisanal de leurs chaînes d’approvisionnement ».
« Les fabricants de véhicules électriques et les entreprises d’électronique opèrent avec un œil ouvert et un œil fermé […] En pratique, il leur est pratiquement impossible d’exclure complètement le cobalt artisanal, en particulier lorsqu’il est envoyé dans des fonderies et des raffineries en RDC et en Chine », a révélé Dorothée Baumann Pauly, directrice de cette organisation.
Pour sa part, Microsoft a déclaré qu’il « s’engageait à un approvisionnement responsable et éthique » et a appelé à une « coalition » pour améliorer les conditions dans les mines de cobalt informelles, tout en refusant de donner des amples détails sur sa stratégie relative au cobalt artisanal.
Suite à l’indignation des consommateurs du fait que les produits qu’ils achètent « soient contaminés par de mauvaises conditions de travail ou le travail des enfants », les entreprises technologiques mondiales et les constructeurs automobiles ont utilisé moins de cobalt extrait dans leurs batteries en augmentant le recyclage et en passant à des produits chimiques à faible taux de cobalt.
« Si nous nous trompons, le cobalt cessera probablement d’être dans les batteries dans 20 ans », déclarait récemment, au sujet de la problématique d’exploitation minière artisanale, Marina Demidova, responsable des communications à l’Institut Cobalt.
Échecs de tentatives de formalisation de l’industrie de cobalt
Le rapport de Geneva Center for Business and Human Rights a peint un tableau sombre de la situation post-programme de formalisation de Mutoshi. En effet, visant les sociétés Trafigura et Chemaf, toutes basées dans l’ex-province du Katanga, ce programme a été lancé en 2018, avant d’être brusquement interrompu lors de la fin du premier trimestre de l’année 2020.
Le même rapport a révélé qu’actuellement, « les excavateurs travaillent dans des tunnels profonds sans équipement de protection individuelle, et les femmes mineures ont déclaré qu’elles gagnaient moins d’argent qu’auparavant ».
En outre, l’Entreprise Generale du Cobalt (EGC), une unité de la société minière d’État Gecamines, a obtenu un monopole sur le cobalt artisanal par décret gouvernemental. L’EGC a ainsi signé un accord d’approvisionnement avec la société Trafigura en novembre 2020 et a publié une norme d’approvisionnement, mais n’a pas encore commencé à acheter du cobalt en raison de « querelles politiques ».
« Un engagement plus grand des parties prenantes, y compris de la part des acheteurs mondiaux, aidera à surmonter cette impasse », a déclaré Dorothée Baumann Pauly.
La mise en place par le gouvernement congolais du PABEA-COBALT
Le 11 janvier dernier se tenait à Kinshasa, la première session ordinaire annuelle du comité de pilotage du projet d’appui au bien-être-alternatif des enfants et jeunes impliqués dans les chaines d‘approvisionnement du Cobalt (PABEA-COBALT).
Visant initialement l’insertion sociale, avec prise en charge scolaire, psychologique, nutritionnelle et état civil, d’un total de 14.850 enfants sortis des sites miniers artisanaux de cobalt et une reconversion de 6.250 parents tous jeunes, dans l’agrobusiness, à travers la création de 1.250 coopératives agricoles dans les deux provinces bénéficiaires qui sont le Haut-Katanga et le Lualaba, le PABEA-COBALT est une conception du gouvernement congolais, financée par le Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) et exécutée par le Fonds National de Promotion et de Service Social (FNPSS) à travers une Unité de Coordination (UCP) logée en son sein, avec le pilotage technique de la CAPUIDC.
Durant la période allant d’octobre à décembre 2022, deux missions de supervision de la Banque africaine de développement ont constaté des avancées significatives et la détermination de l’UCP à réaliser ses objectifs malgré les difficultés contextuelles, et au regard de l’importance ainsi que du niveau avancé des activités liées à la réinsertion sociale des enfants et à la reconversion des parents dans l’agrobusiness, la Mission de revue à mi-parcours du PABEA-COBALT a recommandé la prorogation du projet d’un an, à partir de la date de clôture.
La même mission avait également souligné la nécessité de lancer une étude de faisabilité et les études environnementales et sociales pour la seconde phase du PABEA, au regard de l’accroissement du nombre des bénéficiaires découlant de l’identification réalisée en février 2022 et, du besoin urgent d’élargir l’assainissement des chaines d’approvisionnement d’autres minerais tels que l’or, le coltan, la cassitérite, le diamant ainsi que d’autres pierres de couleur et matières précieuses exploitées aussi dans les autres provinces de la République.
Monge Junior Diama