Depuis un temps, le secteur minier congolais connaît un problème lié à la traçabilité de ses minerais. Dans son étude intitulée « Étudiez les risques dans votre chaîne d’approvisionnement en cobalt », réalisée en avril 2024, l’ONG Ressource Matters a cartographié plus de 280 entreprises le long de la chaîne d’approvisionnement du cobalt, du mineur au consommateur. La plateforme Cobalt Supply Chain a identifié ces risques sociaux et environnementaux dans le but d’aider les entreprises à respecter les normes internationales.
D’après Ressources Matters, le premier défi auquel une entreprise qui utilise du cobalt fait face est de connaître son cheminement depuis le puit jusqu’à son usine. Ces dernières années, de nombreuses entreprises ont indiqué que la chaîne du cobalt est longue et complexe. Pour l’ONG, lorsque des entreprises achètent des minerais dans des régions à haut risque, elles doivent évaluer les risques présents dans leur propre chaîne d’approvisionnement.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Selon Ressources Maters, en 2016, des organisations internationales dont des médias internationaux ont tiré la sonnette d’alarme sur les conditions de travail des exploitants miniers artisanaux de cobalt en RDC. Depuis lors, le rapport indique que les constructeurs automobiles soutiennent de nombreux projets pilotes dans la filière artisanale. Curieusement, selon le même rapport, ces constructeurs nient pourtant utiliser ce même cobalt tiré de l’exploitation artisanale.
Dans les faits, la plus grande production du cobalt congolais provient de la filière industrielle. Mais ces opérations reçoivent peu d’attention de la part du secteur automobile. L’ONG Ressources Matters dit avoir relevé que la filière industrielle n’est pas exemptée des défis tels que la corruption au plus haut niveau, les expulsions forcées à Kolwezi (documentées par Amnesty et Initiative pour la Bonne Gouvernance et les Droits Humains en 2023) et la pollution de l’eau (documenté par RAID et Afrewatch en 2024). Malgré tous ces problèmes, la réaction des acteurs de la chaîne reste limitée selon les auteurs du rapport, pendant que les populations locales souffrent des conséquences au quotidien.
Pour Ressource Matters, les entreprises doivent examiner leur chaîne d’approvisionnement, y compris les fournisseurs industriels, identifier les risques auxquels la population locale est exposée le plus, et prendre des mesures concrètes pour atténuer ces risques afin de garantir un approvisionnement digne d’un label propre.
Connaître sa chaîne : bientôt une obligation européenne ?
Selon le rapport d’étude de Ressource Matters, le parlement européen a adopté une directive appelée Corporate Sustainability Due Diligence Directive, qui s’appliquera à partir de 2027 aux grandes entreprises européennes ainsi qu’à une sélection d’entreprises non-européennes. En vertu de cette directive qui sera transposée en droit national dans tous les états membres de l’Union européenne, les entreprises devront effectuer la cartographie de leur chaine d’approvisionnement, y compris les activités d’extraction et d’approvisionnement en matières premières.
Sur base de cette cartographie, les entreprises sujettes à cette législation devront non seulement identifier mais aussi prendre des mesures effectives de mitigation des impacts sur l’environnement et les droits humains.
Daniel Bawuna