Présenté comme un partenariat stratégique pour le développement de la République démocratique du Congo, le méga-contrat Sicomines, signé en 2008 avec un consortium d’entreprises chinoises, est aujourd’hui au cœur d’un scandale aux allures de pillage organisé. Le dernier rapport de la coalition citoyenne Le Congo n’est pas à vendre (CNPAV), publié ce 29 juillet 2025, dresse un constat accablant : des milliards de dollars échappent au trésor public congolais, pendant que les promesses d’infrastructures s’effondrent dans la poussière.
Bâti sur la formule « infrastructures contre minerais », l’accord entre la RDC et le consortium chinois Sicomines devait permettre au pays de se doter de routes, de barrages, d’écoles et d’hôpitaux en échange de l’exploitation de ses gigantesques réserves de cuivre et de cobalt.
Mais selon le CNPAV, cette équation est profondément déséquilibrée. En 15 ans, les infrastructures livrées ne représenteraient qu’environ 822 millions USD, sur un engagement initial de 3 milliards, tandis que les revenus générés par la production minière ont explosé à plusieurs milliards – dont l’essentiel a profité au partenaire chinois.
Des institutions congolaises écartées
Le cœur du problème, selon le rapport, réside dans l’absence de gouvernance transparente :
Aucun appel d’offres n’a encadré les travaux d’infrastructures.
Les conditions de remboursement sont extrêmement favorables aux Chinois.
Le ministère des Infrastructures et la Présidence ont géré les chantiers en dehors des circuits normaux de passation des marchés publics, excluant les organes de contrôle comme la DGCMP ou l’IGF.
Résultat : des surfacturations, des retards, des malfaçons… et une incapacité à mesurer l’impact réel de ce qui devait être un « contrat du siècle».
Un manque à gagner massif pour l’État
Selon les estimations du CNPAV, la RDC a perdu entre 4 et 6 milliards USD de recettes depuis 2008, soit en manque à gagner fiscal, soit en infrastructures non réalisées.
Par ailleurs, la redevance minière de 1,2 % censée alimenter le Trésor public n’a été ni bien perçue, ni bien répartie, privant les provinces et les communautés locales de retombées économiques directes. À ce jour, la contribution de Sicomines au développement local reste quasi nulle, malgré la taille et la rentabilité de ses opérations minières à Kolwezi.
Des appels à l’audit et à la renégociation
Le rapport du CNPAV ne se limite pas à la dénonciation. Il formule des recommandations claires :
Un audit indépendant de la convention Sicomines ;
La publication intégrale des contrats et avenants ;
La réévaluation des engagements infrastructurels ;
La renégociation de la structure de gouvernance et des bénéfices du projet.
Des appels repris par plusieurs membres de la société civile, mais aussi par certains députés, qui demandent au gouvernement de sortir de l’opacité et de rétablir l’équité contractuelle dans les partenariats miniers.
Vers un tournant politique ?
Alors que le gouvernement affiche sa volonté de renforcer la bonne gouvernance dans les industries extractives, ce dossier pourrait devenir un test politique majeur. La coalition CNPAV exige que l’accord soit révisé à la lumière des conclusions de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), dont la RDC est membre.
Mais les pressions diplomatiques sont fortes. La Chine, principal investisseur minier en RDC, reste un partenaire politique stratégique. Toute renégociation touchera à des équilibres financiers et géopolitiques complexes.
En somme, le contrat Sicomines, symbole d’un partenariat Sud-Sud ambitieux, est aujourd’hui perçu comme l’un des plus grands scandales de gouvernance extractive en Afrique centrale. Derrière les bilans chiffrés, c’est la souveraineté économique du Congo qui est en jeu. En exigeant des comptes, la société civile lance un défi crucial à l’État congolais : reprendre le contrôle de ses ressources, au profit du peuple.
Junior Ngandu