À l’heure où la transition énergétique mondiale redessine la carte des métaux stratégiques, la RDC entend ne plus se contenter du rôle de fournisseur brut. À Singapour, lors du Congrès annuel du cobalt, le ministre des Mines Kizito Pakabomba Kapinga Mulume a mis en scène la mue stratégique d’un pays qui veut reprendre la main sur son destin minier.
Pari d’image, pari d’influence. En s’envolant pour Singapour, où se tenait du 13 au 15 mai le Congrès annuel du cobalt organisé par le Cobalt Institute, le ministre congolais des Mines savait qu’il ne s’agissait pas seulement d’un sommet technique. À l’ère des batteries et des voitures électriques, le cobalt est devenu un enjeu géopolitique. Et la RDC, qui concentre plus de 70 % de la production mondiale, veut en être non seulement le cœur, mais aussi la tête pensante.
Coup d’éclat diplomatique
Dès la veille de l’ouverture officielle, une réunion stratégique à huis clos au Mandarin Oriental Hotel a donné le ton. Aux côtés de représentants de la Présidence, de la Primature, de l’ARECOMS, de la CTCPM, de l’Entreprise Générale du Cobalt (EGC), et du Cadastre Minier, le ministre a réuni les grands noms de la chaîne de valeur cobaltifère : industriels, décideurs, experts. Objectif : poser les jalons d’un dialogue structurant sur la régulation, la transformation locale et les nouvelles exigences environnementales et sociales (ESG).
Le lendemain, dans son discours inaugural, Kizito Pakabomba ne s’est pas contenté de rappeler le poids géologique de la RDC. Il a surtout présenté une vision. Celle d’un pays qui veut sortir du piège de la rente minière et s’ériger en acteur souverain d’une économie verte, en misant sur la traçabilité, la création de valeur locale, et l’investissement durable.
La fin du cobalt brut ?
Au cœur de cette stratégie : une volonté claire de maîtriser davantage la chaîne de valeur. En témoigne la suspension – encore temporaire – des exportations de cobalt brut, une mesure visant à forcer la main aux opérateurs pour qu’ils investissent dans la transformation locale. Le message est limpide : le sous-sol congolais ne doit plus enrichir l’extérieur sans contrepartie significative pour l’intérieur.
Cette dynamique s’inscrit dans les « cinq axes de diversification » défendus par le ministre : des partenariats plus variés, une diversification géographique et minérale, la montée en gamme industrielle, et une réorientation de l’économie nationale autour de la valeur ajoutée.
Entretiens de haut niveau et offensive médiatique
En marge du sommet, la délégation congolaise s’est livrée à un véritable marathon diplomatique. Le ministre s’est entretenu avec plusieurs personnalités stratégiques, dont Septian Hario Seto, le très influent secrétaire général adjoint à la coordination des investissements miniers en Indonésie, ainsi qu’avec les têtes d’affiche du secteur congolais : Placide Nkala (DG de la Gécamines), Guy Robert Lukama (PCA de la Gécamines), Marie-Chantal Kaninda (PCA de KCC et présidente de Glencore RDC).
Des discussions ont également été engagées avec les représentants du CRU Group, tandis que Kizito Pakabomba multipliait les prises de parole dans la presse économique internationale, notamment auprès de Financial Times, Bloomberg et Reuters. Mais surtout une interview exclusive à MINES.CD à relire
Kizito Pakabomba à Mines.cd : « Notre objectif est de rééquilibrer le marché du cobalt pour que la RDC en soit réellement bénéficiaire » ⤵️ https://mines.cd/kizito-pakabomba-a-mines-cd-notre-objectif-est-de-reequilibrer-le-marche-du-cobalt-pour-que-la-rdc-en-soit-reellement-beneficiaire/
Une offensive médiatique soignée pour installer durablement la nouvelle image du cobalt congolais : stratégique, traçable, équitable.
Une RDC ambitieuse, mais sous contrainte
En s’imposant à Singapour, la RDC veut faire entendre sa voix dans un secteur longtemps dominé par des intérêts étrangers. Mais le défi reste immense. Si les intentions sont claires, leur mise en œuvre reste confrontée à des réalités complexes : investissements insuffisants, infrastructures défaillantes, poids des multinationales et fragilité institutionnelle.
Reste que cette participation au sommet du Cobalt Institute marque une étape importante dans la diplomatie minière congolaise. En réclamant des partenariats responsables et une gouvernance plus inclusive du secteur, Kizito Pakabomba entend faire du cobalt congolais non plus un simple métal, mais un levier de justice climatique et de redéploiement économique.
Junior Ngandu