Richesses minières colossales, infrastructures invisibles. Malgré les milliards générés, les communautés vivant à l’ombre des mines de cuivre et de cobalt continuent de manquer du minimum vital. En ligne de mire : la mauvaise gestion de la dotation de 0,3 %, censée financer leur développement.
En effet, les provinces du Haut-Katanga et du Lualaba font la fortune de la République démocratique du Congo. Cuivre, cobalt, lithium… leurs sous-sols regorgent de minerais stratégiques, devenus le carburant de la transition énergétique mondiale. Mais pour les communautés locales, cette richesse reste un mirage. Les écoles se font sous tôle ondulée, les enfants boivent l’eau des rivières polluées et les routes sont des sentiers de poussière.
Pourtant, depuis 2018, le Code minier impose aux entreprises de reverser 0,3 % minimum de leur chiffre d’affaires à des projets communautaires. Mais cette initiative, saluée à sa création, s’enlise dans la fraude, l’opacité et la mauvaise gouvernance.
Un gisement de milliards, un désert de projets
Entre 2018 et 2023, les 36 entreprises minières auditées dans les deux provinces ont déclaré à la direction générale des impôts (DGI) un chiffre d’affaires cumulé de 98,2 milliards USD. De quoi transformer durablement les conditions de vie locales. Mais selon la Cour des comptes, les projets communautaires restent des exceptions, noyés dans des dysfonctionnements structurels.
Sur les 46 DOTS audités, 17 n’ont pas de cellule de gestion des projets, et 12 manquent d’unités d’exécution, paralysant tout suivi. À peine quelques puits et écoles émergent çà et là, comme à la DOT KIMIN. Ailleurs, les fonds s’évaporent dans des marchés opaques.
Des promesses englouties par la corruption
Le rapport est sans appel : près de 97 millions USD ont disparu, à cause de la sous-déclaration des chiffres d’affaires et de détournements manifestes. À la DOT SMCO, 47 500 USD ont servi à financer des voyages privés. À Ruashi Mining, 250 000 USD se sont envolés sans explication.
L’écart total entre les revenus déclarés à la DGI et ceux transmis aux DOTS s’élève à près de 17 milliards USD. Une fraude systémique, au détriment des communautés les plus vulnérables.
Le cri d’alarme des oubliés de la mine
« Nos enfants n’ont pas d’école digne de ce nom, et nous marchons deux heures pour trouver de l’eau», témoigne Grégoire Tshombe, habitant dans la périphérie de Kolwezi.
Les populations du Lualaba et du Haut-Katanga vivent au bord du gouffre, pendant que les compagnies minières exportent leurs minerais vers la Chine, les États-Unis ou l’Europe. Le rapport résume cette injustice par une formule glaçante : « un pays immensément riche, avec des populations extrêmement pauvres.»
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Dotation minière : 97 millions de dollars évaporés, la grande évasion des entreprises minières en RDC ⤵️ https://mines.cd/dotation-miniere-97-millions-de-dollars-evapores-la-grande-evasion-des-entreprises-minieres-en-rdc/
La dotation de 0,3 %, au lieu de corriger les inégalités, les creuse davantage. Sans réforme immédiate du système de gestion, sans contrôle rigoureux des flux financiers, les milliards générés par les mines continueront de contourner ceux qui vivent dessus.
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Dotations minières : des entreprises hors-la-loi, un État impuissant ?
La Rédaction | mines.cd