À Lubumbashi, la colère ne retombe pas. Une semaine après le déversement d’effluents acides issus des bassins de Congo Dongfang Mining (CDM), filiale du géant chinois Huayou Cobalt, les habitants de Kasapa, Kamatete et Kamisepe découvrent l’ampleur d’un désastre écologique.
Mais ce qui choque davantage que la pollution, c’est la réaction de l’entreprise : une farde d’eau et dix cache-nez par famille comme « geste humanitaire ».
Un acte perçu comme une insulte par les riverains et dénoncé par l’Institut de Recherche en Droits Humains (IRDH) au cours d’un entretien avec les professionnels des médias ce mercredi 12 novembre 2025, en plus d’un communiqué adressé au Gouverneur du Haut-Katanga, Martin Kazembe Shula.
Une « indemnisation » jugée indécente
Selon Maître Hubert Tshiswaka Directeur Général de l’IRDH, s’exprimant aux côtés de Timothée Muleba représentant des communautés locales et Maître Sylvain Mulimba
Chercheur à l’IRDH en médecine légale, droits miniers et de l’environnement, CDM a tenté d’apaiser la colère des sinistrés par une distribution dérisoire de bouteilles d’eau et de cache-nez, « un acte indécent et dénué de toute portée réparatrice ».
L’organisation rappelle que cette initiative « ne saurait constituer une mesure de réparation proportionnée à la gravité des dommages environnementaux et humains causés ».
L’incident s’est produit le 3 novembre 2025, à la suite d’une rupture de la géomembrane du bassin principal de rétention, entraînant le déversement massif de lixiviats toxiques dans plusieurs quartiers de la capitale cuprifère.
Ces eaux acides, chargées de métaux lourds (mercure, plomb, nickel, arsenic, cadmium, sélénium) et d’autres composés chimiques dangereux, ont contaminé les rivières, les puits et les sols.
« Nous avons trouvé l’eau de notre puits devenue verte. Même les poissons sont morts dans les rivières », a témoigné Timothée Muleba.
Des risques sanitaires majeurs
Les analyses préliminaires citées par l’IRDH indiquent que ces effluents industriels présentent un risque élevé pour la santé publique, provoquant des irritations nasales, des odeurs toxiques persistantes et des troubles respiratoires.
À long terme, les habitants s’exposent à des perturbations hormonales, à des maladies chroniques du foie et des reins, voire à des cancers dus à l’exposition prolongée aux métaux lourds.
Une responsabilité légale clairement établie
Le ministre des Mines, Louis Watum Kabamba, arrivé à Lubumbashi dès le 6 novembre à 2 heures du matin, a immédiatement suspendu les activités de CDM pour trois mois et ordonné une enquête environnementale menée par la Direction de la Protection de l’Environnement Minier (DPEM).
De son côté, l’IRDH rappelle que les articles 285 bis et 285 ter du Code minier imposent à l’entreprise fautive une responsabilité sans faute : elle est tenue de réparer les dommages causés aux personnes et à l’environnement, indépendamment de l’intention ou de la négligence.
« Le droit congolais est clair : tout exploitant minier doit assumer la réparation intégrale des préjudices causés. CDM ne peut se limiter à des dons symboliques », a insisté Maître Hubert Tshiswaka.
L’appel à une réparation juste et transparente
L’institut exige la réalisation urgente d’une évaluation indépendante des dégâts par la DPEM et la notification à CDM d’un plan de réparation conforme à la loi.
Il appelle également le Gouverneur du Haut-Katanga à garantir latransparence du processus et la participation des communautés affectées dans le suivi des mesures correctives.
Selon l’IRDH, l’État doit « éviter que cet épisode ne se transforme en une mascarade humanitaire » et faire de cette crise un précédent exemplaire de justice environnementale.
Une colère qui gronde à Lubumbashi
Sur le terrain, la défiance envers les entreprises minières grandit. Pour les riverains, la pollution de CDM n’est qu’un symptôme d’un mal plus profond : l’impunité environnementale dans le secteur extractif.
Des ONG locales, soutenues par la société civile, envisagent déjà de porter plainte contre la société pour atteinte à la santé publique et pollution aggravée.
Un tournant pour la gouvernance minière ?
Cette affaire pourrait bien marquer un tournant dans la régulation du secteur minier congolais.
En agissant rapidement, le ministre Louis Watum Kabamba a voulu envoyer un signal fort : désormais, aucune entreprise n’est au-dessus de la loi.
Reste à savoir si cette suspension sera suivie d’effets concrets et si les communautés sinistrées recevront enfin justice, réparation et dignité.
Junior Ngandu




