Dans une correspondance adressée au directeur de la société Congo Gold raffinerie, le chef de division provinciale des mines et géologie, François Tulinabo, a, sur instructions du secrétaire général aux mines, reporté l’inauguration de ladite société pour une date ultérieure, alors que celle-ci était programmée ce mercredi 26 juillet.
Selon ce document consulté par MINES.CD, cette décision tire son fondement des dispositions de l’arrêté bien identifié en objet de la ministre des mines, Antoinette N’samba, du 24/07/2023 transmis à secrétaire général aux mines en date du 25/07/2023.
« Attendu que la société Congo Gold Raffinerie n’a pas respecté ses obligations sociales, notamment celles relatives à l’élaboration du cahier des charges des responsabilités sociétales », expliquait notre source.
Comme sanction, sans préjudice de précédentes, il a été prévue par les dispositions des code et règlement miniers ainsi que de l’arrêté ministériel n°00131/CAB.MIN/MINES/01/2023 du 19 avril 2023 portant règlementarion des activités de l’entité de traitement, Congo Gold Raffinerie a été déchue de son agrément au titre d’entité de traitement catégorie B.
L’entreprise dispose désormais d’un délai de 30 jours à compter de la notification du susdit arrêté pour exercer son droit de recours.
Début juin, à l’issue d’une audience avec Antoinette N’samba, ministre des mines, l’entreprise Congo Gold annonçait le lancement de ses activités du traitement de l’or en République démocratique du Congo, plus précisément dans la ville sud-kivutienne de Bukavu, en ce mois de juillet.
« Nous étions venus rencontrer la ministre des Mines pour lui faire rapport de la production et du traitement prochain de l’or en République démocratique du Congo. Sur le champ, la délégation de Congo Gold a reçu le feu-vert de la ministre des Mines selon lequel, le traitement proprement dit de l’or peut déjà débuter sans désemparer au mois de juillet prochain », indiquait un des responsables de cette société.
L’usine de presque 1200 m2, devrait avoir la capacité de traiter 200 kilogrammes d’or par jour et 2 tonnes le mois avec une teneur très élevée. Une délégation d’administrateurs de Congo Gold avait aussi rencontré le ministre de l’Industrie, Julien Paluku, pour lui faire part également de cette annonce d’ouverture.
Le ministre de l’Industrie avait laissé entendre que la raffinerie va bénéficier d’un accompagnement du gouvernement pour la réussite de ce projet.
Des documents non en règle ?
L’ONG britannique spécialisée dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles, Global Witness, révélait qu’il est envisageable que Congo Gold ait été constituée pour permettre à de puissants acteurs et investisseurs de la région d’engloutir et de profiter de l’or congolais actuellement vendu à des raffineries implantées hors des frontières du pays, en se chargeant eux-mêmes du raffinage.
Quelles que soient les intentions de Congo Gold, « il semblerait que ses documents ne soient actuellement pas en règle », indiquait la source précitée. Lorsque Global Witness a contacté un agent du gouvernement congolais pour obtenir des renseignements sur la licence de traitement de Congo Gold, publiée en ligne par le ministère des mines de la RDC, il a appris qu’elle n’était pas valide.
« Il existe un risque que CGR n’ait de ‘raffinerie’ que le nom, exploitant son titre pour légitimer des exportations d’or semi-raffiné intraçables tout en bénéficiant d’exemptions fiscales. Pour que la population de la RDC puisse bénéficier des réserves d’or de son pays, il faut des investissements transparents et une surveillance étatique, et non pas une compagnie détenue par des entités offshore opaques opérant en vertu d’une licence à la validité contestable », a commenté Blakey.
Suspicion de trafic d’or
Il y a quelques jours, Global Witness révélait que Congo Gold est une joint-venture mise en place entre le responsable de la région Afrique de l’Est de Frontier Services Group (FSG) – appartenant à Erik Prince – et un homme d’affaire qui aurait par le passé été « l’un des intermédiaires de l’ancien président congolais, Joseph Kabila, et un trafiquant d’or présumé ».
« Il s’agit là d’un regroupement extraordinaire d’intérêts puissants au sein d’une compagnie unique, à l’heure même où la RDC doit composer avec sa première transition pacifique du pouvoir depuis 60 ans », indiquait Global Witness.
Congo Gold est détenue par deux sociétés, chacune faisant partie de différents réseaux. L’une de ces sociétés est Global Investment Congo (GIC), qui compte parmi ses actionnaires des entités gérées par un associé de l’ancien président congolais, Joseph Kabila, Alain Wan, et un haut responsable de FSG, Liu Zhigang.
Selon la source précitée, le FSG est une société de sécurité créée par le milliardaire américain Erik Prince, qui œuvre dans le secteur de la sécurité privée, et l’État chinois en est le principal actionnaire. Si FSG ne détient pas directement des parts dans CGR, M. Zhigang est le seul administrateur de GIC, société qui est le principal actionnaire de CGR et qui, d’après un permis minier de 2017, est domiciliée à la même adresse que la compagnie aurifère.
L’autre actionnaire de Congo Gold est Marathon SARL, qui appartient au Belgo-Burundais Karim Somji, lequel aurait par le passé fait de la contrebande d’or, et Robert Mutesa, l’associé gérant d’une compagnie aérienne qui aurait assuré le transport d’armes pendant la Deuxième Guerre du Congo. L’un des autres propriétaires de Marathon est Joyce Otshimo Ekanga, un homme d’affaires qui détient des parts dans deux compagnies minières en RDC et est à la tête d’une chambre de commerce sino-congolaise.
« Joyce Ekanga est le fils d’un puissant fonctionnaire congolais, Moïse Ekanga, un proche de Kabila qui encadre des milliards de dollars d’investissement chinois en RDC par l’intermédiaire du Bureau de Coordination et de Suivi du Programme Sino-Congolais (BCPSC), une entité gouvernementale », révélait Global Witness.
Jean-Luc Blakey, responsable senior des campagnes à Global Witness, affirmait que Congo Gold est en partie détenue ou gérée par « différents personnages aux antécédents qui soulèvent des questions ».
Selon lui, cela va de personnes accusées de contrebande d’or congolais à un proche associé de l’ancien président, en passant par un cadre supérieur d’une compagnie créée par l’un des mercenaires les plus notoires au monde », a précisé
« L’alliance commerciale entre ces personnages devrait être examinée de près par quiconque s’intéresse à la transparence et à la répartition équitable de la richesse que la RDC tire de ses ressources naturelles », a-t-il ajouté.
Monge Junior Diama