En République démocratique du Congo, l’exploitation aurifère en Ituri, loin de profiter à l’État, continue d’alimenter une économie parallèle contrôlée par des groupes armés et des réseaux criminels. Un récent rapport des experts des Nations Unies estime à au moins 140 millions de dollars par an les revenus tirés de l’or par ces structures illégales, privant ainsi le Trésor public d’importantes ressources.
Une économie de guerre bien huilée
Selon le rapport consulté par MINES.CD, l’insécurité persistante en Ituri n’est pas seulement d’origine communautaire, elle est également motivée par des intérêts économiques liés au contrôle des ressources minières. Plusieurs entités territoriales, en particulier le territoire de Djugu, sont aujourd’hui sous l’influence directe de groupes armés tels que la CODECO et la milice Zaïre, qui imposent leur loi dans les zones d’exploitation aurifère.
Avant que les FARDC ne reprennent le contrôle du site minier de Lodjo, le commandant de la CODECO/URDPC, Samuel Kadogo, contrôlait le complexe aurifère Mongbwalu–Nzebi. De son côté, le chef milicien zaïrois Baraka Maki régnait sur l’économie de la chefferie de Mambisa, y imposant une série de taxes illégales et pratiques mafieuses.
« Baraka a exploité son contrôle sur le Zaïre en prélevant des taxes illégales et en imposant des salongos à Mabanga, sanctionnant sévèrement les contrevenants, y compris les commerçants. Il a blanchi une partie de son argent via ses hôtels Ndibé et New Cosmos à Bunia », souligne le rapport onusien.
Discrimination et extorsion systématisées
Les groupes armés appliquent des systèmes de taxation discriminatoire. Dans les zones contrôlées par Samuel Kadogo, les opérateurs économiques Lendu doivent payer 17.000 USD pour accéder aux sites miniers, tandis que les non-Lendu sont contraints de verser 30.000 USD. Des comptoirs illégaux d’achat d’or ont été établis à Mongbwalu et Bunia, servant d’interfaces pour la contrebande.
Selon les experts, l’or extrait illégalement transite principalement par l’Ouganda, avec la complicité de certains opérateurs économiques et seigneurs de guerre. Ce flux échappe complètement aux mécanismes de traçabilité et profite au Rwanda et à l’Ouganda, identifiés comme principaux bénéficiaires de ce trafic.
Un territoire hors de contrôle
La présence de comptoirs clandestins, l’expulsion d’agents de l’administration minière et l’imposition de « droits de contrôle » armés, rendent toute tentative de régulation impossible. L’Ituri, province aurifère par excellence, devient ainsi un foyer de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, loin du contrôle effectif de l’État congolais.
Les experts de l’ONU appellent à une action internationale renforcée, soulignant que le pillage systématique de l’or congolais contribue à la persistance des conflits armés, à la fragilisation des institutions et à l’enracinement d’un système économique parallèle, mafieux et militarisé.
Azarias Mokonzi