La République démocratique du Congo (RDC) semble être entrée dans une nouvelle phase de diplomatie économique. Après avoir multiplié les contacts avec les États-Unis sur les chaînes de valeur des minerais critiques, Kinshasa vient de signer un Mémorandum d’entente avec le Kazakhstan, ouvrant ainsi un autre front de coopération dans le secteur minier.
Selon le Gouvernement, cette dynamique vise à diversifier les partenariats stratégiques afin de maximiser les bénéfices des ressources naturelles congolaises, tout en insistant sur le transfert de technologie, la valorisation locale et l’amélioration de la gouvernance.
Une diversification à portée géopolitique
Derrière cette diplomatie économique, un enjeu géopolitique évident se dessine. Avec Washington, la RDC tente de bâtir un accord stratégique « minerais contre sécurité », dans l’espoir de bénéficier d’un soutien accru face à l’insécurité persistante dans l’Est, où le M23-AFC, soutenu par l’armée rwandaise, continue de déstabiliser plusieurs territoires.
Mais Kinshasa ne se limite pas à l’Occident. D’autres puissances, notamment asiatiques, frappent désormais à la porte. Après le Kazakhstan, le Japon s’est montré intéressé par l’exploitation du manganèse dans le Kongo-Central. Ces démarches ouvrent la voie à une diversification qui, si elle est bien négociée, pourrait renforcer la position de la RDC sur l’échiquier international.
Des questions qui dérangent
Cette ouverture tous azimuts soulève cependant plusieurs interrogations :
- La RDC est-elle en train de se transformer en « supermarché mondial des ressources minières » ?
- Le partenariat stratégique promis avec les États-Unis reste-t-il un simple mirage diplomatique ou un levier réel pour la sécurité et la gouvernance ?
- Cette dispersion des partenariats traduit-elle une stratégie souveraine de diversification ou au contraire un aveu de faiblesse économique ?
- Quel est, in fine, le but pragmatique de vouloir signer avec « tout le monde » : obtenir des ressources financières immédiates ou bâtir une vision de développement durable ?
La Chine, partenaire historique sous surveillance
Dans ce ballet diplomatique, la Chine n’est pas en reste. Présente depuis près de deux décennies à travers le contrat SICOMINES, souvent qualifié d’« accord du siècle », Pékin reste un acteur majeur. Toutefois, ce partenariat est régulièrement critiqué pour ses déséquilibres, accusé de profiter davantage à la Chine qu’à la RDC.
Face à la montée en puissance de nouveaux acteurs (États-Unis, Kazakhstan, Japon), la question se pose : la RDC cherche-t-elle à rééquilibrer son portefeuille de partenaires ou risque-t-elle de tomber dans un cycle permanent de dépendance, sans stratégie claire ?
Une équation complexe à l’ère de la transition énergétique
Alors que le monde accélère sa transition énergétique, la RDC, avec ses immenses réserves de cobalt (70 % des réserves mondiales), de cuivre, de lithium ou encore de manganèse, détient un levier stratégique unique. Mais ce levier n’aura de valeur que si Kinshasa parvient à transformer ses ressources en atout de développement, plutôt qu’en piège de rente.
Le défi est donc double : éviter que la RDC ne soit perçue comme un simple gisement à ciel ouvert pour puissances étrangères, et faire en sorte que les populations congolaises bénéficient réellement de la richesse extraite de leur sol.
Daniel Bawuna