La société civile congolaise hausse le ton face aux entreprises minières qui ne respectent pas leurs obligations sociales.
Dans une interview accordée à MINES.CD, Jean-Pierre Lwamba, responsable du programme des droits humains au sein de l’Observatoire Africain des Ressources Naturelles (AFREWATCH), a appelé le gouvernement à appliquer des sanctions sévères contre les sociétés minières qui ne versent pas la dotation destinée au développement communautaire, comme le prévoit le Code minier révisé de 2018.
Un mécanisme encore à la traîne
Selon le rapport publié le 24 août 2025 par AFREWATCH, l’opérationnalisation du mécanisme de la dotation de 0,3 % des revenus miniers accuse un retard considérable.
Fruit d’une étude menée depuis 2024, ce rapport évalue l’efficacité du dispositif, identifie les obstacles à sa mise en œuvre et propose des pistes d’amélioration.
Les résultats montrent que seules 46 entreprises minières, sur une centaine actuellement en phase d’exploitation, ont installé leurs structures de gestion de la dotation. Autrement dit, plus de 60 % des sociétés minières ne disposent toujours pas de ce mécanisme, privant ainsi les communautés locales de projets de développement essentiels.
Une transparence encore théorique
L’étude souligne également un manque criant de transparence dans la gestion des fonds alloués.
« Sur les 46 dotations déjà installées, très peu disposent de sites web fonctionnels, et une seule entreprise publie les informations sur les montants versés », a précisé Jean-Pierre Lwamba.
Pourtant, le manuel de procédures impose à toutes les parties prenantes — entreprises, comités de supervision et organismes étatiques — de rendre publiques les données financières via leurs plateformes en ligne, les valves d’affichage ou les médias locaux.
L’absence de sanctions entretient l’impunité
Le Code minier prévoit des sanctions claires, allant jusqu’au retrait du titre minier, pour toute entreprise qui ne respecte pas ses obligations sociétales. Mais dans la pratique, ces dispositions sont rarement appliquées.
« Il appartient aux comités de supervision de veiller au respect des engagements pris par les entreprises, et au gouvernement d’appliquer les sanctions prévues », a expliqué le responsable du programme à AFREWATCH.
Pour Jean-Pierre Lwamba, cette situation découle de la faiblesse du suivi, du manque de volonté politique et de l’absence de sanctions dissuasives.
« Si les autorités appliquaient strictement la loi, plusieurs entreprises se conformeraient déjà. Malheureusement, certaines profitent de la passivité du gouvernement et du comité de supervision pour échapper à leurs devoirs », déplore-t-il.
Un appel à la responsabilité du gouvernement
Face à cette inertie, la société civile poursuit son rôle de contrôle citoyen, en associant les communautés locales au suivi et à la redevabilité.
Mais Jean-Pierre Lwamba reconnaît les limites de cette action :
« La société civile fait sa part, mais elle ne peut pas tout faire seule. Le gouvernement, à travers le ministère des Mines et celui des Affaires sociales, doit assumer sa responsabilité et veiller à l’application de la loi. »
Pour une gouvernance minière plus juste
Pour AFREWATCH, le respect des obligations sociétales n’est pas seulement une question de conformité légale, mais un enjeu de justice sociale et de développement équitable.
L’organisation plaide pour un renforcement du suivi institutionnel, une application effective des sanctions, et une communication transparente des entreprises minières sur les fonds versés et les projets financés.
Pierre Kabakila




