Trois ans après l’installation des premiers Organismes Spécialisés (OS) chargés de gérer la dotation minimale de 0,3 % du chiffre d’affaires des entreprises minières, censée financer des projets de développement communautaire, le mécanisme peine encore à transformer les richesses minières en véritables leviers de progrès local.
Une mesure ambitieuse mais incomplètement appliquée
Introduite dans le Code minier révisé de 2018, cette dotation vise à garantir que les communautés impactées bénéficient directement de l’exploitation minière. Après un lancement tardif en 2022, 46 OS ont été installés d’ici 2023.
Mais selon une étude d’Afrewatch, confirmée par un audit de la Cour des comptes, le dispositif souffre de failles majeures : manque de transparence, faiblesse dans la gouvernance et non-respect des obligations de paiement.
Ainsi, les obligations de publication prévues par la loi et le manuel de procédures ne sont pas respectées. Dans le Haut-Katanga, seuls 3 OS sur 26 disposent d’un site internet, et la plupart ne publient aucune donnée sur les fonds perçus ni sur l’exécution des projets. Côté entreprises, seule Kamoa Copper communique partiellement sur ses contributions, de façon peu lisible. Le Comité de supervision, censé contrôler l’ensemble du dispositif, ne met pas non plus ses rapports à la disposition du public.
Gouvernance fragilisée et paiements partiels
La gestion interne des OS est minée par des frais de fonctionnement disproportionnés et des difficultés organisationnelles. Le Comité de supervision prélève 4 % sur chaque dotation, alors que les OS, en charge du pilotage des projets, ne disposent que de 6 %.
Par ailleurs, plusieurs sociétés minières traînent des retards ou ne versent pas la totalité de leurs obligations. Sur 44 entreprises auditées, 21 n’avaient pas payé intégralement leurs contributions. Des géants comme COMMUS, Ruashi Mining, KCC, TFM ou Sicomines figurent parmi les mauvais payeurs. Plus inquiétant encore, des sociétés telles que SACIM, STL et OM Metal Resources n’ont effectué aucun versement depuis 2018, tout en poursuivant leurs activités sans être inquiétées.
Le défi des sanctions et de l’efficacité
Le Code minier prévoit pourtant des mesures allant jusqu’au retrait des titres miniers. Mais dans les faits, ces sanctions sont rarement appliquées, nourrissant un climat d’impunité.
« L’absence de rigueur prive les communautés des ressources vitales qui leur reviennent », alerte Afrewatch dans sa note d’évaluation de l’opérationnalisation de la dotation de 0,3 %.
Relancer la dotation : recommandations clés
Pour corriger ces dérives, Afrewatch formule plusieurs recommandations :
- Aux entreprises minières : respecter strictement leurs obligations de paiement intégral et publier les montants versés sur des plateformes accessibles ;
Aux Organismes Spécialisés : améliorer leur gouvernance, renforcer leur transparence et communiquer davantage avec le public ;
- Au Comité de supervision : appliquer des sanctions dissuasives et rendre publics ses rapports de contrôle ;
- Au gouvernement : accélérer l’installation d’OS auprès des 63 entreprises encore non couvertes et réviser la clé de répartition des frais de fonctionnement pour optimiser les ressources.
Présentée comme un outil de justice redistributive, la dotation de 0,3 % reste, pour l’instant, un chantier inachevé. Sans une application rigoureuse de la loi et un engagement réel des parties prenantes, cette mesure risque de rester une promesse non tenue pour des millions de Congolais vivant au cœur des zones minières.
Junior Ngandu